Jouer avec le feu et brûler les autres: un art subtil

Lou fronça les sourcils, et dérourna le regard, toujours rougissante. Elle secoua obstinément la tête. Comment pouvait-elle faire comprendre aux autres que cela n'avait rien de dramatique pour elle, et qu'elle aimait cela ?

Elle resta quelques secondes silencieuses, puis parla, d'une voix différente, qui lui donnait l'air d'une adulte :

"Je ne suis pas une vulgaire prostituée. Je ne me laisse jamais maltraiter, et je ne fréquente pas n'importe qui, comme je n'offre mon corps à n'importe qui. Je suis avant tout une sorte de compagne, d'amie pour les hommes qui se sentent seuls."

"Je n'ai jamais prétendu le contraire. Mais ma meilleure amie, Lydia, m'a dit ça aussi un jour. Les petits morceaux qu'il reste d'elle reposent au cimetière avec les corps de mes défunts amis."

Olivier eu soudain l'air d'avoir reçu un coup de poignard en plein coeur. Il devitn livide et détourna vivement le regard, de petites larmes se formant au coin de ses yeux.

Lou fut étonnée de ce brusque changement d'attitude. Elle ne savait trop quoi faire ni dire... Elle s'approcha et dit timidement :

"Hé... Ce... Ça va aller ?"

Elle se racla la gorge.

"Je... Je suis désolée, je ne voulais pas te mettre en tête de mauvais souvenirs, je ne savais pas..."

*Mince alors... J'aurais pas pensé en le voyant comme ça qu'il serait du genre à se mettre à pleurer.*

Pour elle, cela n'avait rien de péjoratif. Elle n'était pas de ceux qui pensaient que les garçons ne pleuraient pas, bien au contraire. Tant d'hommes avaient déjà pleuré sur son épaules, cherchant du réconfort.

"[g]Ce n'est rien. Juste les fantômes du passé qui viennent me hanter pour chercher ce qui reste de mon âme. Lydia le disait souvent: le job que tu fais demande que tu sois inhumain Olivier. Sinon il mettront ton coeur en morceaux et tu ne le mérite pas. D'une certaine façon, ces souvenirs me rappelent que le monde est une chose d'équilibre et que chaque perte apporte un gain. Chaque personne que je perds me rapproche de l'état d'esprit d'un parfait espion: froideur et sens du devoir uniquement.[/b]"

Dit Olivier en s'essuyant le visage avec sa manche.

Lou fut touchée par ces paroles, mais s'y opposa :

"Mais... Avant d'être un criminel, on est un être humain ! On a une vie, une famille, des sentiments, on ne peut pas renier tout ça !"

Elle pencha la tête de côté.

"Je ne pense pas que les criminels soient inhumains... On a juste fait un choix différent. Non ?"

Elle sourit.

"On a tous été enfant et nous avons tous joué innocemment avant cela." dit-elle sans donner plus d'explications.

"Dans mon cas c'est hélas nécessaire. Les espions ne peuvent d'embarasser des sentiments. Père et mère me l'ont souvent dit."

Dit Olivier avec un sourire triste.

"C'est un équilibre faut croire..."

Lou secoua la tête et insista :

"Mais... Et moi alors, je dois tuer des gens, qu'est-ce que je devrais dire ? Ce n'est pas encore plus inhumain ? Pourtant, je reste plus ou moins moi même."

Elle sourit malicieusement.

"Pour moi, c'est ça, l'équilibre nécessaire pour garder une part d'humanité dans ce... métier."

"Un tueur à gage tue de sang froid. Un espion ment, trompe et vole des information en plus de s'introduire dans les secrets des gens. C'est inhumain en plus d'être cruel et dégueulasse."

Dit Olivier.

"Mais c'est mon travail!"

Lou hocha la tête d'un air pensif.

"Ouais... Ouais, cruel et dégueulasse, ouais..."

Elle resta silencieuse pendant quelques secondes, se balançant sur ses pieds, l'air rêveur, puis reprit :

"Moi, tuer des gens, ça me donne un sentiment de puissance... Et j'aime la puissance, parce que j'ai l'impression qu'elle peut me protéger, même si j'ai conscience que je me leurre..."

Elle s'adossa contre le mur de couloir et fixa un point dans le vide.

"Même chose de mon côté. Quand je suis derrière mon clavier, je suis dieu le père!"

Dit Olivier avec une pointe de fierté dans la voix.

"Je suis imbattable sur mon ordinateur. Je fais ce que je veux quand je veux et ce sans conséquences aucunes!"

Lou le regarda d'un air amusé et intéressé. Elle était à nouveau en "mode gamine on".

"Ah ouais ? Et tu saurais euuuh... Hm..."

Elle réfléchit.

"Tu saurais faire introduire un animal dans l'enceinte de la Synnefo juste avec ton ordinateur ?" demanda-t-elle d'un air malicieux.

"Un éléphant si tu veux même! "

Dit Olivier, amusé.

"Rien de plus simple!"

Lou partit d'un rire clair et amusé.

"Pas un éléphant, quand même ! Mais... Je sais pas moi, un truc pas trop dangereux... Comme une petite dizaine de chats !"

L'idée de semer une petite pagaille à la Synnefo ainsi semblait l'amuser. Elle avait beau devoir se comporter comme une adulte pour subvenir à ses besoins, elle restait une ado.

"Ok. 50 chats!"

Olivier commença à taper à une vitesse folle et bien vite, une quinzaine de schéma apparut sur son écran. Une voix annonça que tout fonctionnait.

"Chats envoyés!"

"Ouah ! Cinquante ! Arrêêêête... C'est pas possible !"

Quelques minutes passèrent dans le silence, puis on entendit du rafus quelques étages plus haut. Lou écarquilla les yeux, impressionée.

"Euh... C'est les chats, tu crois ?" demanda-t-elle, incrédule.

Elle essayait d'imaginer ce que cela pourrait donner, cinquante chats en liberté dans le QG de la Synnefo. Panique à bord, certainement. Pourvu que les fous de la gachette n'aient pas l'idée de leur tirer dessus à tout bout de champs.

"Mais je comprends pas comment c'est possible... Si rapidement en plus."

"Quand tu connais les systèmes de ventilation de la ville, l'adresse des fourrières du coin et que tu es un virtuose de l'ordi, tu peux tout faire!"

Dit Olivier en lui montrant les caméras. Cinquante chats couraient dans tout les sens posibles...

Lou jeta un coup d'oeil aux vidéos en provenance directe depuis les caméras de surveillance de la Synnefo et poussa un sifflement admiratif.

"Fioou ! Hé ben dis donc ! C'est la panique à la Synnefo !"

Elle rit à nouveau.

"J'espère que le boss ne saura pas que c'est moi qui suis à l'origine de ce bazar !"

Son rire mourru pour laisser place à un sourire gêné.

"Ah oui... C'est vrai, j'avais oublié que tu convoitais le poste de boss..."

"Moi je ne dirai rien si je deviens boss. Mais si il ou elle apprend que c'est moi, adieux le poste que je convoite!"

Dit Olivier avec un demi-sourire.

"Qui sait..."

Lou sourit d'un air complice et mit un doigt sur ses lèvres. Puis elle dit, sur le ton de la confidence :

"T'inquiètes, je serais muette, une vraie tombe. Je suis pas du genre à trahir mes collègues, et encore moins mes potes."

Elle ne précisa pas à quelle catégorie, "collègue", ou "pote", Olivier appartenait. Après seulement une demie heure de conversation, il y avait tout de même plus à parier qu'il entrait dans la catégorie "collègue", quoique, avec Lou l'innocente, on ne savait jamais.

"Cool alors!"

Dit Olivier en souriant.

"On va bien s'amuser, tu vas voir!"

Lou hocha la tête d'un air enthousiaste, toujours souriante.

"Ouais, j'en doute pas !"

C'est alors qu'un gros matou leur fonça dessus, miaulant comme un forcené, toutes griffes dehors, il avait l'air affolé. Lou se releva pour l'éviter.

"Ouais, le bazar, c'est bien ce que je disais !" dit-elle amusée.

"Faut rigoler dans la vie!"

Dit Olivier en riant.

"Sinon la vie est d'une mocheté! "

Lou rit plus doucement.

"Ouais, c'est vrai qu'elle est moche, la vie..."

Son sourire s'effaça, alors que de douloureux souvenirs remontaient à la surface : la mort de ses parents dans un immense brasier, la pauvreté dans laquelle ils étaient tombés, ses frères, ses soeurs et elles, la mendicité, et les sacrifices qu'ils avaient dû faire afin de se tirer de là.

Mais elle secoua la tête pour chasser ces pensées de son esprit. Finalement, elle dit :

"Bon, tu ne voudrais pas sortir d'ici ? C'est un peu renfermé, tu trouves pas ?"

"La solitude ne m'effraie guère. Et j'ai appris à apprécier ce genre d'endroit. Dans l'obscurité et dans les endroits isolés, on peut être soi même."

Dit Olivier.

"Mais si tu veux sortir, pourquoi pas!"

Lou hocha la tête d'un air pensif.

"Ouais, c'est bien vrai tout ça... Mais c'est quand même agréable de se retrouver à la lumière du jour, non ?"

Elle sourit à nouveau.

"Enfin, moi j'aime bien mais, si t'aimes pas, c'est ton droit ! Je ne vais pas te critiquer là-dessus. Et je vais pas te forcer non plus !"